Je me souviendrai toujours de cet homme à mobylette qui s’était arrêté pour m’aider à porter mon sac très lourd jusqu’à la gare, le jour de mon départ pour la Finlande. Il était même resté sur le quai jusqu’au départ du train pour me dire au revoir. Cela m’avait énormément touché, car c’était un jour important pour moi : celui où je prenais mon envol vers ma vie d’adulte.

Pour ma part, j’ai offert des séances gratuites de tutorat en français à des Chinois, Coréens et Japonais, quand je vivais à Montréal. C’était ma façon de promouvoir la francophonie au Québec et de rencontrer des gens sympas. Il y avait une Japonaise en particulier qui avait surtout des difficultés de prononciation et n’arrivait donc pas à réussir le test de français indispensable pour obtenir ses papiers de résidence. Elle était prothésiste dentaire, et cela tombait bien car c’était également le métier de mon beau-père. J’ai pu lui fournir tout un lexique avec le vocabulaire spécifique de sa profession. Après quelques mois, elle a enfin réussi à passer le test. Mon plus grand plaisir fut de voir ses progrès rapides en français et sa réussite.

Oui.

Via internet.

A un moment de ma vie, il y a plus de 20 ans, j'étais vraiment mal. Et je ne savais pas pourquoi. Et ça durait depuis... aussi longtemps que mes souvenirs remontaient.

J'ai même été jusqu'à imaginer que j'avais dû être violée dans l'enfance pour me sentir aussi mal... mais ça ne résonnait pas du tout, et je n'arrivais pas voir qui aurait pu faire ça. Une fausse piste.

Et j'ai commencé à échanger via MSN et skype à l'époque, avec des femmes avec qui j'avais sympathisé sur le net. Et puis avec certaines, cela s'est intensifié et avec une poursuivi par mail.

Ces femmes ont "fait miroir"...

Et petit à petit, au fil des mois, au prix de larmes sans fin, j'ai commencé à remonter le fil.

Et ce fil arrivait à un incident vécu quand j'avais 3 ans (j'en ai beaucoup parlé sur Quora).

Grosso modo, j'avais un petit frère de 3 mois.

Un jour, en courses, ma mère me demande de tenir le landau (elle avait mis le frein) devant un magasin (ou le landau ne rentrait pas). Il faisait doux, RAS.

Sauf que le bref laps de temps où ma mère est allée dans le magasin (où le landau ne pouvait entrer), un brutal coup de vent s'est engouffré et l'a retourné. Je revois encore le landau retourné, mon petit frère qui hurlait dessous. Ma mère m'a larguée dans la droguerie de ses beaux parents, juste à côté, a foncé chez le toubib. Hospitalisation brève, tout allati bien. Sauf que petit frère a perdu tous ses acquis et est devenu handicapé. Et que j'ai pris ça sur moi, c'était forcément de ma faute, pas foutue de tenir un landau correctement... j'avais bousillé la vie de mon frère et en partie celle de mes parents.

La vie a continué, mais moi j'étais toute cassée à l'intérieur. Je n'en avais pas conscience, je ne pouvais donc le dire...

Et j'ai grandi, suis devenue ado puis adulte en portant le poids de cette culpabilité. Et je me suis punie méthodiquement, saccageant les opportunités de ma vie professionnelle et sans doute sentimentale. Mais ça ne suffisait pas, j'étais très mal au point d'utiliser la drogue, les médocs, l'alcool pour tenter d'apaiser ce mal être... dont je ne savais pas d'où il sortait.

Ces femmes m'ont écouté des heures, des semaines, des mois et pour certaines des années.

Petit à petit, j'ai compris.

Sans elles, je ne serais sans doute plus de ce monde.

QUAND LE CROQ'-MORT T'EMPORTERA

En 4ème, avec cette chanson j'ai eu un 18 en récitation.

Au cours de ma carrière professionnelle j'ai managé quelques équipes. Des années après j'ai eu des retours d'anciens collaborateurs et je suis toujours surpris de l'impact que j'ai pu avoir sur eux.

L'an dernier le mari d'une ancienne collaboratrice m'a retrouvé sur les réseaux sociaux. Il voulait me demander de téléphoner à sa femme le jour de son anniversaire. Il m'a expliqué qu'elle avait un excellent souvenir de moi, que pour elle j'ai été son meilleur patron, que je lui avais beaucoup appris et que surtout je lui avais donné confiance en elle. Rien que ça.

Franchement, je ne me rappelle pas avoir eu un comportement différent avec elle par rapport aux autres employés.

Bien sûr j'ai téléphoné pour lui souhaiter un joyeux anniversaire et j'ai vraiment senti qu'elle était heureuse de mon appel surprise.

Une autre fois, en Guyane, au début des années 2000, un commercial de l'entreprise est rentré dans mon bureau, il voulait me parler. Il hésitait, ses mains se tordaient, il se répétait, ses phrases étaient à rallonge. Finalement, dans un souffle, il m'a dit : j'ai le sida.

Je ne m'attendais pas à ça. Je suis resté immobile quelques secondes.

Je le regardais mais lui baissait les yeux, prostré sur sa chaise. Mille pensées me traversaient la tête et je ne savais pas quelle attitude prendre.

J'ai seulement répondu sans vraiment réfléchir : je suis désolé, bien sûr, cela restera entre nous si vous le souhaitez.

Et là je l'ai vu revivre, son corps s'est redressé, le sourire est revenu. Nous avons discuté, je ne lui ai demandé aucun détail, je ne lui ai fait aucun reproche, pas de leçon de moral.

Il a démissionné quelques mois après. Trois quatre ans ont passé et je l'ai revu. Il m'a alors remercié, notre entretien l'avait boosté et redonné goût à la vie. Je n'ai pas osé lui dire qu'en réalité je ne savais pas quoi faire, que je ne savais pas comment réagir. J'étais navré pour lui et sans le vouloir, visiblement, j'ai eu la bonne réaction. Certains diront que j'ai eu de l'instinct, peut-être est-ce le cas.