J’ai toujours été plutôt compatibiliste. Je ne vois pas vraiment en quoi le déterminisme est incompatible avec une version réaliste du libre arbitre.

L’être humain est certes soumis aux lois de la physique, à ses hormones et à son éducation, qui ont nécessairement un impact sur ses possibilités, ses besoins et ses décisions, mais cela n’est pas incompatible avec les choix accessibles effectués à son échelle.

Je n'ai pas regardé la vidéo. Je ne connaissais pas les notions de compatibiliste ou incompabiliste sous ce nom, mais j'ai l'impression de savoir de quoi il s'agit.

En regardant sur Wikipédia on peut voir qu'il s'agit de comparer deux univers.

1. Dans le premier notre destin est tracé, et la prochaine action dépend de la précédente. On pourrait savoir ce qui nous attends dès la naissance. Si on rejouait le film de notre vie il y aurait le même début et la même fin.
2. Dans le deuxième il est impossible de connaitre notre futur en raison d'une part d'indétermination. Si on repassait le film avec le même début, il ne serait jamais identique.

Le libre arbitre est bien difficile à définir, et le fait qu'il existe ou non entraine de nombreux débats, mais concentrons-nous sur celui de la question. Est-ce qu'il existe si notre destin est tracé à l'avance dès la naissance ? Le débat intéresse des philosophes anglo-saxons car ils sont les héritiers de la théorie de la prédestination, et du fait qu'elle a des conséquences sur Terre.

La prédestination est un concept théologique chrétien selon lequel Dieu a choisi de toute éternité ceux qui seront graciés et auront droit à la vie éternelle. Il s'y est ajouté la considération que "Le succès dans les affaires peuvent être considérés comme un signe de cette grâce" https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9destination . Avec ce système celui qui est riche le mérite, il a été choisi par Dieu et ira au paradis. La pauvre ne semble pas choisi par Dieu, mais tant pis pour lui.

Max Weber dans son livre très intéressant "L'Éthique protestante et l'Esprit du capitalisme" https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89thique_protestante_et_l%27Esprit_du_capitalisme a conduit une étude sociologique, basée sur des faits et des études statistiques, tendant à dire que cette idéologie avait pu permettre aux Protestants de mieux réussir dans les affaires que les Catholiques.

De nos jours la science a tranché et on sait qu'on ne peut tour prévoir à l'avance. Si on rejouait le film de notre vie à partir de notre naissance il serait à chaque fois différent. Cela clôt le débat de savoir si le libre arbitre existe dans le cas où tout est prédestiné depuis la naissance.

Une question, qui n'est pas résolue, est de savoir si dans nos décisions de court terme nous utilisons vraiment le libre arbitre. Prenons un exemple apparemment simple : je dois choisir entre la tarte aux pommes et la tarte aux abricots. Qu'est-ce qui va déterminer mon choix : un souvenir, une odeur, un sourire, la manière dont sont arrangés les desserts, ce que préfèrent les autres... ? Quelle partie de moi-même va être déterminante : mes yeux, ma langue, ma mains, mon cerveau, mon empathie pour le groupe ... ? Peut-être que mes yeux ont croisé le sourire de la personne qui me présentait le plat et m'ont fait prendre une part ? Est-ce que j'ai vraiment utilisé mon libre arbitre, et qu'est-ce que le libre arbitre ?

C'est un sujet de réflexion à la fois pour les philosophes, mais aussi pour tout ceux qui cherchent à analyser scientifiquement le comportement humain.

Le monde et les hommes qui sont dedans sont soumis aux lois du hasard et de la nécessité (pour piller Jacques Monod, qui n'y peut rien).

Comme on le sait depuis 150 ans les philosophes sont largués, et la compréhension du monde, qui était leur pré carré, leur échappe désormais complètement. Wittgenstein a très bien expliqué que tout ça était devenu un ensemble de passionnants jeux de langages.

Dire qu'il y a du libre arbitre, comme dire qu'il n'y a pas de libre arbitre, relève de l'acte de foi.

La série à la mode (et surtout le roman dont elle s'inspire) qui traite du problème à trois corps devrait faire comprendre que tout est prédictible, mais qu'il n'y a pas de moyen de réaliser la prédiction - s'il y a un problème mathématique qui a une signification philosophique, c'est celui-là.

Les philosophes ne peuvent plus s'occuper que de politique (sociologie, ethnologie, etc.) ou de mystique (existentialisme, déconstructionnisme). Le structuralisme est le versant para-scientifique, proche de l'alchimie (la Gestalt, tout ça...), de leurs productions. En fait, depuis Montaigne, il me semble que seule la philosophie morale a avancé un peu (elle nous a au moins donné Kant).

Voyons voir : je marche dans une rue que je n'emprunte pas d'ordinaire, c'est un effet de mon libre arbitre - mais en fait mon itinéraire habituel est encombré de travaux qui rendraient ma marche inconfortable et, qui sait, dangereuse : c'est donc une circonstance extérieure qui a déterminé ma décision de ne pas prendre de risques (car l'instinct de préservation n'est pas un produit de ma liberté de choix). Mais en exerçant mon libre (ou non) choix de marcher dans cette autre rue, il se trouve que j'y rencontre un pot de fleurs tombé d'un balcon sur ma tête. Etait-ce un effet de mon libre choix d'avoir marché plus vite (car le trajet était rallongé par mon détour) ou était-ce dû au fait que la personne qui a dernièrement arrosé les fleurs qui étaient dans le pot a légèrement déplacé celui-ci, de sorte qu'il était en équilibre instable? Si je n'étais pas passé par là, le pot serait tombé de toutes façons (déterminisme physique) ; mais cette personne a peut-être été dérangée par une situation adventice qui requérait une attention immédiate, comme un enfant qui crie soudain (déterminisme psychologique, voire physiologique)...

Vous voyez l'idée : chaque libre décision ouvre un champ de possibilités en même temps qu'un éventail de probabilités. Jouer au jeu de la poule et de l’œuf est un exercice un peu futile, à mon avis.

Le libre arbitre est à l'origine une notion religieuse: la capacité à choisir la voie de Dieu, contre la voie du mal (ou du rien). Cette notion est présente dans plusieurs religions: Judaïsme, Mazdéens, Christianisme, Islam, Bouddhisme, et probablement d'autres.

En termes laïcs actuels, c'est de choisir le bien.

Les scientifiques pensent que nos décisions résultent de choix aléatoires dans notre cerveau (compatibilistes). L'ennui avec cette vue, est que le cerveau est un objet matériel, soumis aux lois de la physique. Il n'a aucun moyen de savoir ce qu'est le bien ou le mal. Il peut décider par exemple que le "bien" est de tuer tout le monde.

La loi définit le libre arbitre comme la capacité à choisir le bien. Mais comment la loi définit-elle le bien? Par vote démocratique. Ce qui n'est pas une solution: on se ramène au problème du cerveau, moyenné statistiquement entre des millions d'individus. Par exemple l'avortement a été longtemps interdit, démocratiquement. Puis in a été autorisé, démocratiquement. Puis certains le restreignent à nouveau, démocratiquement.

La seule chose qui peut fournir un libre arbitre conforme à la définition, est la Qualia, la conscience, le fait de se rendre compte de nos sentiments, de notre état. En effet c'est elle qui est heureuse ou qui souffre: elle dispose donc de l'information pertinente pour exercer son libre-arbitre. Le problème est que la Qualia est immatérielle: comment peut-elle alors influencer le cerveau? Elle le fait pourtant bien, chez pas mal de gens, lors d'instants de super-conscience, de méditation, voire simplement le lâcher-prise, face à un problème ou un dilemne. Pour répondre à la question, c'est une position incompatible avec la physique. Mais ce n'est pas n'importe quoi: la conscience est une entité bien connue et parfaitement observable (même si on ne peut observer que la nôtre).

Comment la conscience immatérielle peut-elle influencer le cerveau matériel? j'explique en détail dans mon chapitre sur le libre-arbitre: quand un réseau neuronal est soumis à un dilemne, les deux réponses ont la même intensité. Une influence de la qualia n'a pas alors besoin d'être bien forte pour emporter la décision dans le sens qui LUI convient (le bien). De telles influences ont été observées scientifiquement lors de l'expérience PEAR, et elles sont de l'ordre de 0.1% à 1% (pour des tirages aléatoires). Agissant en de nombreux points dans un réseau neuronal, elles pourraient se cumuler et agir bien plus facilement. Surtout chez quelqu'un qui est habitué à la méditation.

Un "pitit détail" ici est qu'une telle influence d'une entité immatérielle sur un système physique est ce que l'on appelle un phénomèe parapsychologique. Et qui plus est un des plus courants, que presque tout le monde peut faire. Surtout, il a été observé scientifiquement, donc. C'est la raison pour laquelle wikipédia (site libertarien, donc athée et matérialiste) s'est tant acharhné à discréditer l'expérience PEAR, au point que l'Université Princeton a retiré l'étude de son site. J'explique cette magouille minable plus en détail sur la page liée.