J’ai plusieurs souvenirs très précis de l’époque où nous vivions dans un petit studio. Nous en sommes partis quand j’avais 3 ou 4 ans, ce qui permet de situer ces souvenirs dans le temps, mais je ne peux malheureusement pas préciser exactement l’âge que j’avais pour chacun d’eux.

J’étais persuadée que je resterai petite toute ma vie, sous le « joug » des adultes, et cela me frustrait énormément. Je me sentais emprisonnée, surtout lorsque j’étais dans mon lit à barreaux. J’aurais aimé être « apparue » ou née directement grande. Comme j’étais plus souvent entourée d’adultes, j’avais l’impression de souffrir d’une sorte d’anomalie.

Je me souviens que j’adorais l’odeur de ma pâte à modeler.

Quand j’ai découvert les petits pots au chocolat, j’ai développé une véritable obsession pour la couleur marron. Je dessinais tout en marron.

Je me souviens aussi de ma fascination pour les couchers de soleil et les nuages. Je les regardais par la fenêtre du balcon.

Je me rappelle qu’à un moment, on m’avait acheté un jean. Je le détestais de toutes mes forces. J’ai vu les photos où on me le faisait porter : je n’avais même pas un an et j’apprenais encore à marcher, mais il me semblait lourd, rigide et gênait mes mouvements.

Ce qui est drôle, c’est que je suis toujours aussi fascinée par le ciel, attachée au sentiment de liberté et de légèreté, adoratrice absolue du chocolat et je déteste porter des pantalons, surtout des jeans (j’en ai aucun).

SOUVENIRS PRÉCOCES

Difficile de le dire, j'ai très peu de souvenirs d'avant mes 6 ans. Étant sérieusement asthmatique, j'ai passé mes premières années dans des centres, situés dans des régions montagneuses, là où il y a de l'air pur.

A vrai dire j'ai deux souvenirs mais je suis incapable de fixer la date et le lieu. Quoique pour un, c'était sûrement en juillet puisque cela concerne le tour de France. Si je m'en rappelle bien, c'est sûrement lié à l'excitation du moment. Poulidor était le favori du centre puisqu'on ne parlait que de lui. On nous a installé dans un pré, en contrebas du parc et le peloton est arrivé, une masse compacte de vélo, image fugitive, spectacle bariolé de quelques secondes. Les cyclistes ont vite disparu au virage. J'étais un peu déçu par cette fugacité. Une fille plus âgée ou du moins plus grande que moi m'a expliqué que Poulidor c'était celui qui était devant tout les autres, celui qui pédalait plus vite que les autres. Cette remarque m'a laissé perplexe. Pour moi aucun n'allait plus vite que les autres. Ils allaient tous à la même vitesse, le premier comme le dernier du groupe. Je sentais que sa vision n'était pas correcte.

Le deuxième souvenir est aussi dans un centre, le même ou un autre, je ne sais pas. Mes parents sont venus me voir. Le seul moment de cette journée qui me soit resté en mémoire est une leçon de mon père. Il m'a appris à shooter correctement dans un ballon pour que celui s'élève au dessus du sol. Ce jour là mon esprit s'émerveille sur cette astuce. Je commence à comprendre les lois de la physique 😉.

J'ai un troisième souvenir mais celui-là il est crée. Je savais que mes parents devaient venir et quand ils sont rentrés dans le hall de l'immense demeure, je suis arrivé en haut de l'escalier traînant une valise plus grosse que moi, persuadé que Papa et Maman allaient me ramener à la maison. Ce n'était pas le cas. Il paraît que l'infirmière était vexée. C'est vrai que ma précipitation à vouloir quitter ce lieu pouvait paraître suspecte 😄. En réalité je n'ai aucun souvenir de cette scène, mes parents me l'ont raconté plusieurs fois et j'ai fini par l'imaginer. Maintenant dans ma tête, les images sont là, comme si elles étaient ancrées dans le tiroir souvenir.

Un plafond tout blanc s'approche et s'éloigne, j'entends des rires.

C'est un ami de mes parents qui me jette en l'air et me rattrape.

D'après ma mère j'ai un an et demi.