Je trouver que la situation américaine est à la fois fascinante, préoccupante et effrayante.

Dans les années 20 et 30, le fascisme était inconnu. Les dictatures totalitaires n'étaient pas appelées ainsi. Les accusations de dictature se référaient alors non pas à un système politique, mais à l'accès au pouvoir d'un homme.

Les évènements des années 30-40 ont permis de comprendre ce qu'était le fascisme, ainsi que sa mise en place. Ce qui était invisible avant est devenu observé et commenté.

Et il faut bien avouer que c'est ce qui est en train de se dérouler aux USA : la mise en place d'une société fasciste au plus haut niveau de l'état fédéral. Mais les USA ont la "chance" d'être avant tout une fédération, où les états fédérés ont de grands pouvoirs, ce qui va empêcher les séides de Trump de mettre en place cet état dans l'ensemble du pays.

Contrairement à 2016, Trump arrive ici avec un réel programme, un plan à appliquer. Il a également le soutien, actif ou non, des grands pontes de la Tech actuelle, à de rares exceptions. Ce soutien est volatile dans le cas de Zuck ou Bedos, mais il est là. Musk, c'est autre chose. Lui, il est guidé par ses idées nauséabondes, liée à sa non acceptation de la transidentité de sa fille, fille qu'il a harcelé et maltraité enfant.

Et le programme de Trump est lié à l'idée de "Choc". C'est Naomi Klein qui, dans son ouvrage "The Shock Doctrine : Rise of Disaster Capitalism" a synthétisé une forme de prise de pouvoir basé sur la sidération. On est donc pas éloigné d'un viol, où la sidération est souvent présente, mais à l'échelle d'un pays.

Dans ce livre, Klein explique que le capitalisme débridé, sans règles, tout comme le fascisme, s'imposent grâce à des chocs qui "sidèrent" tellement la population qu'elle reste sans bouger. On a pu l'observer en Russie, où Poutine est passé maitre dans l'art d'utiliser (ou de créer) des crises qui augmenteront son propre pouvoir, au mépris de la sureté de son peuple : en 2002, l'attentat du théatre Dubrovka lui a permis de mettre les médias à sa botte ; en 2004 la prise d'otage de Beslan lui a permis de supprimer les élections des gouverneurs.

Poutine a aussi été le premier à développer l'idée de narratif parralèle, de faire une communication digne d'un show de télé réalité. La communication de l'état russe est basée sur les mensonges, les demis vérités, les réalités multiples. Cela rend la population incertaine de tout, et donc facilement manipulable.

C'est ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux aux USA.

1. Les actions de la DOGE ont pour but de terroriser les organismes étatiques américains. La brutalité des agents (brutalité morale, non physique) et le limogeage de toute personne qui ose se réclamer de la loi n'est pas sans rappeler les méthodes des SA. Rappelons que dans l'Ordre Executif constituant la DOGE, celle-ci n'a accès qu'aux documents non classifiés. Or elle s'arroge le droit de prendre aussi les documents classifiés. L'idée est plus de terroriser que d'avoir des informations.
2. Les personnes choisies par Trump pour certains postes gouvernementaux sont là pour faire hurler, sidérer, et être abasourdi. Et les choix ne sont pas idiots : ces personnes vont elles même créer des crises une fois en place.

L'idée est de fragmenter la nation, de la diviser de plus en plus, de faire de la désinformation à outrance au point de perdre les citoyens dans des flots de propos incohérents.

Lorsque le président Trump prendra ses fonctions lundi, une avalanche de décrets touchant l’économie et la frontière produiront un effet de ‘choc et effroi. Sen. J. Barrasso, R-Wyo.

Certains ici parlent d'Oligarchie. Mais cela était déjà le cas : nos républiques occidentales sont quasi toutes des oligarchies plus ou moins visible. Les USA ne font que montrer la réalité. Mais en fait, Trump impose non pas une oligarchie, mais une kakitocratie, un gouvernement par les pires.

Trump a désigné des personnes qui - pour certaines - sont soit totalement incompétentes, soit totalement opposées aux missions des agences qu'ils vont présider. Il a également déclaré que si le Sénat d'acceptait pas ses nominations. En effet, la constitution autorise le président à nommer des officiels sans l'accord du Sénat si celui-ci est ajourné.

Mais on emploie le mot fascisme, et il faut définir le fascisme et comparer afin de savoir si Trump répond à cette définition. On peut se référer au livre de Umberto Ecco "Reconnaitre le Fascisme" pour cela. Bien que Ecco n'était pas politologue, son analyse est fort pertinente. Car le fascisme étant multiforme, il est difficile à définir. Ecco a donc donné une définition qui englobe ces diverses formes et leurs points communs. Tous les traits ne sont pas indispensables : il peut en manquer un ou deux, et nous sommes toujours en présence d'un fonctionnement fasciste. (et je vous invite aussi à comparer avec les discours ou le programme du RN, tiens...)

1. Le culte de la tradition : MAGA, make america great again. J'insiste sur ce terme de "Again", qui montre l'un de traits de ce culte de la tradition. "C'était mieux avant", la phrase stupide des imbéciles.
2. Refus du Modernisme : le modernisme n'est pas l'avenir. C'est une vision du monde. On peut avoir des régimes fascistes investissant dans la technologie (mais pas la science, attention...), mais rejetant les idées modernes. Cela existe depuis le rejet des Lumières par les Contre-Révolutionnaires. Et là, la politique de Trump, qui souhaite revenir sur 60 ans de lutte contre les inégalités sociales ou raciales, est résolument anti moderniste.
3. Action pour l'action : le jour de son investiture, Trump a émis une centaine d'Executive Order, dont certains inapplicables, étranges ou mal pensés. Le but n'est pas de faire, mais d'agir. Il faut montrer qu'on agit, et non qu'on résoud.
4. Refus de l'esprit critique : critiquer, c'est trahir. On est bien ici dans ce qu'on avait pu voir chez Trump lors de son premier mandat. Et les républicains qui ne lui lêche pas le derrière sont des "RINO", Republican In Name Only".
5. Raciste par nature : Là encore, on le voit bien. Malgré le melting pot des soutiens, Trump est résolument raciste dans ses actes. Le refus des affirmative action, sa défense des nazis de Charlottesville le montre bien.
6. Il s’adresse aux classes moyennes frustrées et défavorisées par une crise économique, en prétendant que cela est due aux groupes sociaux inférieurs. Là, c'est assez facile à voir : Trump joue sur la peur du déclassement des classes moyennes défavorisées pour accuser les immigrants. Ce qui cause leurs malheurs n'est pas la concentration des richesses, mais le plus pauvre que soit même.
7. Nationalisme : "Gulf of America". On a aussi des discours qui détournent le message chrétiens "aime ton voisin" pour prendre le terme voisin au sens littéral. "America First".
8. Les nationaux doivent se sentir humiliés par la richesse et la force de leurs ennemis. Trump n'arrête pas de dire que les USA se font arnaquer par la CHine, l'Europe, le Canada, le Mexique, etc.
9. La vie est une guerre permanente. La rhétorique guerrière est très présente.
10. Elitisme Populaire : Le peuple est sacralisé. Les Américains sont les meilleurs, etc.
11. Machisme. Pas la peine de développer, là.
12. Appauvrissement du vocabulaire. Idem.

Conclusion, les USA s'enfoncent dans le fascisme, par une stratégie du Choc bien documentée et implantée, menée par un travailleur clandestin (Musk), un millionnaire inculte, une kakitocratie triomphante et un parti aux ordres.

C'est très très flippant...

Et on le verra IRL dans deux ans en France, au vu de l'alliance visible entre la droite, le centre et l'extrême droite.