Bonjour,

Been there, done that. Je ne comprends pas assez l'allemand pour tester Gutefrage, mais je vais répondre d'après mon expérience d'entrepreneur, qui date un peu. J'ai créé en 2006, un des premiers réseaux sociaux sur mobile, MobiLuck, qui a grossi jusqu'à 4 millions de membres, dont la moitié en Inde. J'ai tenté de monétiser ce trafic avec de la publicité, mais à l'époque la publicité sur mobile rapportait 100 fois moins que la publicité sur PC. J'ai réussi à lever des fonds auprès d'investisseurs, mais pas à atteindre la rentabilité. J'ai ensuite créé une plateforme de publicité sur mobile, Madgic, qui a atteint 4M€ de chiffre d'affaires annuel.

Premièrement, il est bon d'avoir des concurrents, c'est même indispensable. L'existence des concurrents montre qu'il y a une demande des utilisateurs, un besoin dans l'air du temps, un potentiel de croissance et de revenu qui valide le projet pour des investisseurs potentiels. Les concurrents explorent différentes voies, ce qui permet d'apprendre de leurs erreurs et de leurs succès. Il faut les étudier, les tester, et parler avec eux. Gutefrage, la cousine allemande de VortexT, nous apprend par exemple que les utilisateurs de ce type de service acceptent de payer 4€/mois. Ou encore, qu'un service de questions-réponses peut faire vivre 80 employés. Les concurrents sont aussi des acquéreurs potentiels, ou des acquisitions potentielles. VortexT pourrait par exemple grossir jusqu'à 20% de la taille de Gutefrage et être acquis par Gutefrage pour une somme importante. Récemment, j'ai créé en France la filiale d'une société de logiciel allemande, qui a été achetée deux ans plus tard par une concurrente italienne. Alternativement, VortexT pourrait dépasser la taille de Gutefrage par croissance "organique", puis racheter Gutefrage pour se développer en Allemagne et devenir un leader européen.

Pour cela, il faut trouver un meilleur positionnement que Gutefrage, un meilleur business model, offrir une meilleure expérience aux utilisateurs. Et la jeunesse de VortexT est un énorme avantage pour cela. Gutefrage est plus ancien, moins agile, avec beaucoup plus de lignes de code à modifier, de personnes à convaincre, etc. Gutefrage a été créée avant l'essor des IA génératives, et sans en tenir compte. Si Gutefrage expérimente un changement, par exemple, une modération exclusivement par IA, ou la réponse à certaines questions par IA, et que ça se passe mal, si les utilisateurs détestent et quittent le service en masse, si l'expérimentation échoue, cela peut être la fin de l'aventure pour Gutefrage et ses 80 employés, qu'il faut payer chaque mois. Une telle expérimentation chez VortexT, serait beaucoup plus rapide, beaucoup plus facile, et beaucoup moins risquée.

Concernant l'utilisation de l'IA dans Gutefrage pour répondre aux questions des utilisateurs, cela me semble être une grosse erreur, car il y a un meilleur service pour répondre à ce besoin.

1. Si je veux une réponse synthétique et objective/factuelle à une question, j'utilise chatGPT.
2. Si je cherche une information simple associée à un mot-clé, j'utilise Google.
3. Si je cherche un article fiable, de référence, sur un sujet, j'utilise Wikipedia.
4. Si je veux des avis sur un film ou une série, AlloCiné, sur un livre ou un appareil, Amazon, etc.
5. Si je cherche la solution à un problème logiciel, j'utilise aussi Google et je la trouverai probablement sur StackOverflow ou autre.
6. Si je veux savoir ce que font mes amis, j'utilise Facebook ou Instagram.
7. Si je veux savoir ce qui se passe dans le monde, je consulte les sites d'information ou Twitter/X.
8. Si je cherche la réponse d'un expert à une question technique, comme récemment sur la police scientifique pour finaliser mon roman, je trouve un livre sur le sujet, un site spécialisé, un expert sur LinkedIn, Fever, ou autre réseau de freelance.

Quora et maintenant VortexT sont meilleurs que tous ces services pour :

1. me donner des opinions variées de personnes qui ont des expériences différentes sur une question complexe, et engager ensuite une discussion sur ce sujet dans les commentaires. Par exemple : "Que pensez-vous des assemblées citoyennes ?". Cela n'aurait aucun sens de poser cette question à une IA.

2. m'apprendre des choses nouvelles tous les jours sur une variété de sujets auxquels je n'aurais jamais pensé m'intéresser, par exemple sur la Guyane.

Il me semble fondamental pour la réussite de ces services de ne pas se disperser et de rester focalisés sur ce qu'ils font mieux que les autres (1 et/ou 2 ci-dessus) et de le faire de mieux en mieux. Pour cela, il faut plus d'utilisateurs, plus engagés/actifs, il faut viser l'excellence en matière d'interface utilisateur, expérience utilisateur, modération, recherche. Pour cela, il faut mesurer tout ce qu'on fait, avec des indicateurs de performance, et expérimenter sans arrêt pour essayer d'améliorer les résultats, notamment par A/B testing.

Un second point qui me semble fondamental est d'intégrer le business model dans le service dès le départ, plutôt que de l'ajouter par la suite. Il faut savoir qui paie, combien et pour quoi. Where is the money? Par exemple, si ce sont les marques qui font vivre un réseau social, il doit répondre aux besoins des utilisateurs et des marques, selon un équilibre subtilement affiné. Si ce sont les données des utilisateurs qui ont de la valeur, il faut les collecter et les préparer pour qu'elles soient exploitables. Si c'est la publicité qui fait vivre un support, il faut qu'elle soit si pertinente, bien ciblée et qualitative, qu'elle augmente la valeur du support plutôt que de la réduire (exemple : les bandes-annonces avant une séance de cinéma ou la publicité dans les magazines de mode féminins). Attention à la qualité de la publicité digitale. On a vite fait de voir apparaître sur son site/application des publicités intrusives, clignotantes, pornographiques, des virus et des arnaques en tous genres. Si ce sont les utilisateurs qui paient un abonnement et qu'ils sont principalement motivés par la satisfaction qu'ils retirent du service et des interactions avec les autres utilisateurs, il faut maximiser cet effet, par exemple leur permettre de créer des profils assez riches avec beaucoup d'informations pour se présenter, ou au contraire de rester très discrets s'ils le souhaitent (pseudo), leur permettre de recevoir le maximum de feedback positif et d'encouragements des autres utilisateurs (votes positifs, commentaires, remerciements, abonnements, etc.). Souvent, ce sont les modèles freemium qui fonctionnent le mieux pour les réseaux sociaux, car ils favorisent le volume. La valeur d'un réseau social provient en grande partie de ses utilisateurs. C'est pourquoi il est si important d'en savoir le plus possible sur eux et de tout mesurer (inscrits, visiteurs uniques, pages vues, temps passé, pays/ville, âge, profils, motivations, centres d'intérêt, etc.). Il faut faire des enquêtes/sondages régulièrement, des focus groups, des entretiens qualitatifs, etc.

Gutefrage semble en bonne santé, mais doit encore réussir son adaptation à l'âge de l'IA. Quora semble sur la mauvaise voie et en perte de vitesse. Cela crée une opportunité pour VortexT, qui est un beau projet et a toutes ses chances de devenir le meilleur service de discussion en ligne francophone.

Bonne chance et gros succès à VortexT !